Le morceau DKR de Booba a été décrypté par le blogueur analyste socioculturel Samuel Saam. Nous vous rapportons ici son décryptage qui est plutôt bien rédigé et très bien accueilli d’après les appréciations des internautes.


J’ai fouillé sur la toile à la recherche d’une pépite, j’ai squatter toutes les explications des internautes à propos de ce morceau de Booba, afin de voir à quel point les gens comprennent les sens véritables des messages que passent les artistes dans leurs chansons. Malheureusement je n’ai trouvé aucune exégèse qui révèle concrètement le contenu de ce tube. Plus de 90millions de vues et personne n’a pu interpréter ce morceau dans toute sa quintessence afin de lui accorder la vraie valeur qu’elle mérite dans les cœurs au-delà des trophées et distinctions. Alors, 5 ans plus tard, j’ai décidé de le faire.

Le son DKR est sorti en novembre 2016, et son lancement provoquait un véritable buzz dans l’univers musical Africain (en particulier) et mondiale. C’était officiellement la première fois que Booba venait à Dakar avec toute la 92i. Partout à travers le monde, plusieurs artistes musiciens ont fait des reprises du son de différentes manières. Une candidate à The Voice l’a interprété en 2017 pour son audition à l’aveugle, le chanteur AKON l’a écouté puis en est tombé amoureux et ainsi de suite… Le kiff était au top partout à travers le monde. Cependant, personne n’a su expliquer jusqu’à présent ce qui faisait de ce son un véritable tube intercontinental et une pépite pour l’Afrique. Pour une inspiration d’un si haut niveau dans la sphère musicale, c’est un devoir pour moi de faire ce qui n’a pas été fait. J’explique, mais je précise avant tout que Booba lui-même n’arrivera pas à expliquer son propre morceau comme je vais le faire.

Dans le son, Booba s’identifie à la fois au négrier, au nègre, puis à un griot qui raconte l’histoire de l’esclavage. Ça fait en tout 3 personnages contenus dans l’inspiration de ce morceau. C’est l’histoire d’un maître (Occident) et son esclave (l’Afrique) conté par un griot (Booba) pour informer et prévenir la nouvelle génération afro contre le néocolonialisme. Partout où il y a de la vulgarité dans le son, Booba s’exprime là comme un négrier (le maître). Partout où le discours est sur un ton posey (calme), il se retrouve dans la peau du nègre ou du griot.

[C’est pas le quartier qui me quitte, C’est moi j’quitte le quartier]

Booba s’identifie à un esclave noir qui vient d’être vendu à Gorée et qui va devoir quitter son quartier contre son gré pour rejoindre son nouveau maître à l’autre bout du monde. C’est l’expression d’un adieu forcé… Il n’a pas envie de partir, mais il va devoir s’en aller. Le quartier restera désormais une terre lointaine gravée dans son cœur.

[J’ai maillé, maillé, maillé, déjà… J’ai pas bâillé, bâillé, fait des dégâts. Tyson, Gris Bordeaux, Bombardier; J’vais te casser le dos, pas te marier, Me tiens pas la main, ça va parlerJ’ai déjà l’Balmain baissé sur le palier ]

Ici, Booba s’identifie au négrier qui vient de s’approprier le jeune noir après l’avoir acheté. Il affirme clairement qu’il l’a acheté, il ne l’a pas loué (baillé), c’est désormais sa propriété. Il sait que le jeune noir a été capturé suite à l’envahissement de son quartier (Afrique) par les colons qui ont combattu sa famille à coups de punch (Tyson) et à coups de balles (bombardiers) pour leur arraché leurs hommes et femmes. Comme il vient de le l’acheter, il va l’ajouter (maillé) à la chaîne d’esclaves qui sont déjà prêts à embarquer sur le bateau en direction de l’occident depuis l’île de Gorée. Il va l’ajouter dans les rangs sans aucune pitié, puisque le jeune noir essayait d’implorer sa pitié en voulant le tenir par la main. Une main qu’il va arracher avec fureur, puisqu’il ne veut pas que la main d’un noir touche sa peau blanche, car ça risquerait de provoquer des discours au sein de la communauté des négriers. Un esclave ne touche pas son maître.

[Comme Audrey Tcheuméo, j’suis médaillé]

Booba, dans la peau du jeune noir, s’identifie à Audrey Tcheuméo, une championne du monde en judoka. Audrey est Noire. C’est pour donner un aperçu de la force physique du jeune qui vient d’être vendu. Les négriers ne prennent que les vaillants pour pouvoir les exploiter dans les champs et dans les mines.

[Vámonos, négro, allez dalé]

« Allons-y » (Vámonos en espagnol). Un appel à l’embarquement des esclaves achetés. C’est bien le négrier qui parle.

[La cuenta fut très très salée; Ta halal j’vais la faire chialer]

L’addition a été salée pour le négrier, il a dû dépenser gros pour avoir ces esclaves et comme c’est ainsi, il compte maltraiter (faire chialer) la femme du jeune noir (qui symbolise ici la femme africaine) qu’il traite déjà de pute (halal). Booba s’exprime ici dans la peau du négrier.

[Africa, tu n’as pas d’âge, Ils veulent te marier, marier, marier, Ton nom d’famille sera prise d’otage, À quoi sert d’être lion en cage ?]

C’est ici que Booba s’exprime en tant que griot qui conte l’histoire de l’esclavage pour mettre en garde la nouvelle génération africaine. Il informe les jeunes d’aujourd’hui au sujet des intentions de l’occident vis-à-vis de l’Afrique. Ils veulent vous prendre en otage, vous amener loin de vos familles afin de vous faire oublier d’où vous venez (dépersonnalisation). Vous êtes des lions (dans la tête), mais à quoi servira votre force si l’on vous met en cage ? Vous devez donc vous battre pour empêcher cette nouvelle forme d’esclavage mentale qu’on essaie de vous imposer.

[Envoie le hasch’, les millions cash, Faut mailler, mailler, mailler, Madame la juge est lent de rage, J’ai mitraillé comme un sauvage]

Booba s’exprime ici dans la peau du négrier qui s’apprête à corrompre la justice afin de couvrir ses crimes en Afrique. Ce négrier pense que s’il dépose des millions en cash sur la table du juge, il aura le champ libre pour couvrir sa traite négrière en Afrique. Il croit qu’avec ses millions déposés sur la table du juge, il aura la liberté d’aller mitrailler les familles en Afrique comme un sauvage et réduire leurs jeunes hommes et femmes à l’esclavage. Malheureusement ce qu’il croit est vrai…

Je m’arrête là, vous devez comprendre jusque-là que DKR n’est pas un simple morceau et que son succès n’était pas un hasard. Il y a un contenu puissant derrière soufflé par un esprit témoin de l’esclavage. Le son a été lancé à un moment où les musiques occidentales se tournaient vers les cultures africaines. Bien avant le film Black Panthers (symbole de la conquête des cultures africaines par l’Occident). Le son DKR est tellement fort que de toute la décennie, c’est le meilleur hommage rendu aux esclaves.

Alors comment trouvez-vous ce décryptage de Samuel Saam meilleur blogueur analyste socioculturel de la sous-région francophone ?

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